Militaires dans la ville : la paix des esprits ?
Depuis les attentats de 2015 et l’Opération Sentinelle lancée par l’Armée Française, nos rues sont fréquentées par des groupes de militaires arpentant la ville, arme à la main. Derrière ce déploiement de force, une volonté politique de protéger et rassurer les français, qui, à en croire les sondages, sont favorables à l’opération Sentinelle sur le territoire national à plus de 80% (IFOP-DICoD, oct 2017).
Mais pour comprendre si l’Opération Sentinelle rassure, une question supplémentaire mériterait d’être posée, au-delà de l’importante question de l’utilité perçue des militaires : celle des émotions que leur présence en ville suscite chez les habitants.
Car si l’on est capable de raisonner en termes de sécurité, de se questionner sur les enjeux d’une telle présence militaire, d’en peser le pour et le contre, notre système émotionnel, lui, est souvent le premier à réagir face au danger. En effet, nous ne choisissons pas de générer nos émotions, elles surviennent très rapidement, généralement en dehors de toute volonté.
Ainsi, lorsque nous percevons une information signalant une menace potentielle, notre cerveau déclenche quasi automatiquement une série de réactions psychologiques et physiologiques nous permettant de nous en protéger. Rythme cardiaque accéléré, yeux écarquillés, sentiment de danger imminent peuvent alors survenir en moins d’une seconde. La peur nous plonge ainsi dans un état défensif aigu, qui peut dans certains cas donner lieu à des réactions de panique excessives [1]. Ce n’est qu’après cette réaction émotionnelle que les régions de notre cerveau impliquées dans le raisonnement s’activent, nous permettant de considérer la situation de manière plus réfléchie [2].
En évoquant une menace potentielle, la présence des militaires dans la ville pourrait ainsi contribuer à l’installation d’un climat anxiogène. Or, à ce jour, les effets de l’Opération Sentinelle sur le comportement humain ne sont pas étudiés, et il paraît donc important de se questionner non seulement sur l'utilité perçue de cette opération, mais également sur son impact émotionnel sur la population. Chez [S]CITY, nous pensons que la question des émotions est centrale lorsque des décisions impactant drastiquement la population sont prises, et que récolter des données sur le comportement humain peut permettre d'éclairer d'une nouvelle lumière ces décisions. Nous sommes actuellement en train de mener une étude pour évaluer l’impact de la présence militaire dans Paris sur ses habitants.
Emma et la [S]CITeam
pour aller plus loin (ressources accessibles en français) :
lecerveau.mcgill.ca/flash/d/...
Références scientifiques :
[1] Adolphs, R. (2013). The biology of fear. Current Biology, 23(2), R79-R93.
[2] Wager, T. D., Davidson, M. L., Hughes, B. L., Lindquist, M. A., & Ochsner, K. N. (2008). Prefrontal-subcortical pathways mediating successful emotion regulation. Neuron, 59(6), 1037-1050.