L’urbanisme sensoriel : le tournant sensible de la conception urbaine

À l’ère de la Smart City pilotée par les données, une manière alternative de faire la ville privilégiant les sens et l’humain est de plus en plus populaire. L’urbanisme sensoriel intègre en effet les sensations, mais aussi les émotions et les perceptions dans les processus de conception de l’espace urbain. Il cherche à reconnaître et valoriser l’expérience pluri-sensorielle de nos villes, constituée de bruits et de matières, de couleurs et d’odeurs.

Cette tendance est rendue visible par l’intérêt croissant pour ces questions dans les processus de conception urbaine, avec l’intégration au sein des équipes de profils qui s’intéressent à l’écologie sensible des espaces et des flux de la ville : scénographes, designers, artistes, acousticiens, chercheurs en sciences cognitives, etc. Les méthodologies de projet prennent davantage en compte l’environnement sensoriel des villes : les espaces urbains sont appréhendés comme des “milieux sensibles” qui donnent prise à des orientations perceptives, des réactions émotionnelles et à des comportements moteurs spécifiques.

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Les outils appuyant cette démarche sont souvent ceux d’une analyse fondée sur l’expérience sensible et affective des espaces urbains. Elle se décline par exemple par la prise en compte d’éléments qualitatifs et quantitatifs qui forment une “ambiance urbaine” spécifique. [S]CITY a ainsi conçu un outil de diagnostic sensoriel afin d’inspirer la conception d’espaces urbains en prenant davantage en compte nos émotions et perceptions. Utilisé au sein d’un atelier (comme celui thématisé autour de “La Rue” que nous avons organisé en novembre dernier lors de la journée “Action urbaine en débat” que nous avons animée au sein du Master 2 d’Urbanisme de l’ENSA de Strasbourg), l’outil invite les participants à analyser les perceptions visuelles, olfactives, auditives et tactiles associées à un espace urbain. Nos sens étant des vecteurs de réactions émotionnelles, l'atelier incite également les participants à associer des émotions aux différentes perceptions sensorielles évoquées par la rue. Guidés par l'équipe de [S]CITY, les participants sont ensuite amenés à élaborer des recommandations afin de favoriser les ressentis positifs et de diminuer les ressentis négatifs par l’urbanisme : installations lumineuses ou artistiques, mobilier urbain, signalétique, aménagements paysagers, etc.

L’urbanisme sensoriel marque ainsi le grand retour du corps humain dans l’espace urbain. Selon les mots de l’urbaniste Olivier Mongin, “on ne se débarrasse pas, même au nom de la révolution globale en cours, du réel, du corps et du désir d’habiter dans un lieu, du corps à corps avec le monde”. Nos corps habitent les espaces urbains, tout comme ces derniers se laissent habiter par nous. Une idée au coeur de la marche exploratoire “Carta Infinita” à laquelle nous avons participé à Venise, qui a donné lieu à un atelier de cartographie participative au Pavillon Français de la Biennale d’Architecture de Venise 2018.

L’urbanisme sensoriel offre donc de nouvelles clés de compréhension de notre rapport au monde urbain. En privilégiant ce qu’il y a de plus humain en nous, il révèle l’épaisseur expérientielle de nos villes et inspire la création d’environnements plus riches et bénéfiques. [S]CITY, en alliant expertises en urbanisme et en sciences du comportement, promeut et soutient fortement ce mouvement, pour des villes plus humaines.

Alice et la [S]CITeam

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Notre coup de coeur sur ce sujet : Eprouver la ville en passant : En quête d’ambiances”, par Jean-Paul Thibaud, Editions MétisPresses, vuesDensembleEssais

Images : Minh T / @thismintymoment